Des penseurs de gauche comme de droite s’accordent à mettre en garde contre l’orientation de l’école républicaine qui, loin de sa mission de transmettre un héritage et de former des citoyens intelligents et responsables, n’a d’autres buts que servir l’économie.
Pour Jean-Claude Michéa (« L’enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes », 2006), il est devenu difficile, aujourd’hui, de continuer à dissimuler le déclin continu de l’intelligence critique et du sens de la langue auquel ont conduit les réformes scolaires imposées. Celles-ci sont en passe d’atteindre leur objectif véritable: la formation d’individus qui devront être engagés dans la grande guerre économique mondiale du XXIe siècle.
Erreur, et repentance. Quelques mois après les événements de mai 68, De Gaulle avait fait une déclaration étonnante dans ses vœux à la jeunesse: « Dans mes discours, j’aurai toujours mis l’accent sur le relèvement du franc, sur la prospérité économique, comme s’il n’y avait que cela qui comptait à mes yeux et aux vôtres, alors que je suis catholique, l’un des derniers chefs d’Etat à en faire ouvertement profession… Comme si je ne savais pas que vous avez une âme! » (janvier 1969)
Refonder l’école.
Pour la philosophe Bérénice Levet (« La théorie du genre, ou le monde rêvé des anges », 2014) tout est à rebâtir: après des décennies d’éducation « progressiste », l’école n’est plus le lieu de la transmission des savoirs, mais de l’acquisition des « compétences ». Elle note d’ailleurs que les DRH et autres spécialistes préconisent d’ouvrir son Curriculum Vitae par une rubrique intitulée «compétences».
Une urgence: instaurer des États généraux de l’école, afin de s’interroger sur ses bases et ses fondements avec une seule question: pour quoi l’école, l’école pour former quels sujets:
– des « agents économiques », des êtres compétitifs sur le marché du travail, ainsi que nous y enjoint le rapport de l’OCDE (programme PISA, qui mesure les performances des systèmes éducatifs des pays) ?
NB: les politiques, les professeurs, les chefs d’établissement, les journalistes ont les yeux rivés sur le classement PISA dont les critères d’évaluation sont économiques.
– ou bien des hommes et des femmes cultivés, capables d’une pensée argumentée et d’un jugement autonome; des citoyens à part entière, c’est-à-dire des êtres ouverts à une responsabilité ?
Prions que les responsables politiques de tous bords, le corps enseignant et les parents, avec tous les acteurs de l’enfance et de la jeunesse, reviennent à une École qui renoue avec sa mission d’intégration et d’assimilation; qu’elle travaille à nouveau, par la transmission de l’héritage, à re-fabriquer des Français, qu’ils soient « de souche » ou non, avec de vrais repères pour un avenir à bâtir ensemble et à partager.